Le régime de Bassirou Diomaye Diakhar Faye a récemment dévoilé son Agenda national de transformation pour 2050, un plan censé faire du Sénégal un modèle de souveraineté et de prospérité. Cependant, après une lecture attentif du document, au-delà de la vision idéaliste, de nombreux aspects du Projet apparaissent comme déconnectés des réalités sénégalaises et même dangereux pour la démocratie. Ma conviction est que cet agenda pourrait bien être plus un mirage qu’une feuille de route crédible.
1. Les promesses de souveraineté cachent une dépendance toujours plus forte
L’Agenda insiste sur l’autonomie et la souveraineté, notamment énergétique, agricole et industrielle. Pourtant, il continue de baser son modèle économique sur des partenariats et des transferts de technologies, principalement avec des pays étrangers. En l'absence de compétences et de ressources locales pour atteindre ces objectifs, cette soi-disant « souveraineté » est fondée sur des dépendances extérieures renouvelées, qui risquent de rendre le Sénégal encore plus vulnérable aux pressions internationales.
2. Une transformation économique au service de l’élite au pouvoir
En surface, le document promet de « redresser, impulser et accélérer » l’économie sénégalaise. En réalité, ces réformes pourraient avant tout servir les intérêts d’une élite qui reste largement privilégiée et éloignée des réalités de la majorité des Sénégalais. En concentrant le pouvoir et en attribuant la gestion des grands projets à des proches du régime, l’Agenda risque de renforcer les inégalités économiques et de marginaliser encore plus les petites entreprises et les jeunes entrepreneurs sénégalais.
3. Des mesures sociales vidées de Leur substance
Le texte évoque un avenir « juste » pour tous, avec une réduction des inégalités et une amélioration de la justice sociale. Or, il reste étonnamment vague sur les mesures concrètes. À part des slogans de lutte contre la pauvreté et des promesses d'inclusion des femmes, il manque des actions précises pour répondre aux besoins des populations vulnérables, notamment les jeunes et les communautés rurales. L'agenda se contente de discours populistes sans proposition de solutions viables.
4. Le spectre d’une centralisation autocratique et d’une répression politique
L'Agenda préconise des réformes institutionnelles qui renforcent le pouvoir central, sous prétexte de stabilité et de bonne gouvernance. En réalité, cette approche pourrait masquer une volonté d’étouffer les voix de l'opposition et de limiter les libertés individuelles. En se donnant des moyens de contrôle encore plus étendus, le régime de Bassirou Diomaye Diakhar Faye risque de verrouiller l’espace politique, menaçant ainsi la démocratie sénégalaise. Ce choix stratégique de centralisation extrême cache mal une tendance autocratique, éloignant le pays de son modèle démocratique.
5. Des infrastructures sans plan financier clair : Une économie fantôme
Alors que l’Agenda mentionne la construction d’infrastructures massives pour soutenir l’agriculture, l’industrie et l’énergie, il ne précise pas d’où viendront les fonds pour financer de tels projets. En l’absence d’une stratégie de financement transparente, ces promesses semblent plus être des outils de propagande que des projets réalisables. Dans un contexte où le Sénégal a déjà une dette publique élevée, ces ambitions irréalistes risquent de placer le pays dans une situation financière encore plus fragile.
6. Le déni de la réalité climatique : une transition Énergétique inexistante
Dans un contexte mondial de crise climatique, l’Agenda passe étonnamment sous silence les questions écologiques et la transition énergétique. Plutôt que de miser sur des énergies renouvelables, ce document prône l’industrialisation à tout prix, sans considération pour les conséquences environnementales. Non seulement cela expose le Sénégal à des désastres écologiques à venir, mais cela va à l’encontre des engagements climatiques internationaux. Le projet d’autosuffisance énergétique ne se base pas sur des fondations durables, mais plutôt sur une vision à court terme qui pourrait avoir des effets désastreux.
7. Des effets pervers sur les communautés rurales et les populations marginalisées
L’Agenda vante un développement « inclusif » mais ignore les spécificités des communautés rurales et marginalisées. Ces populations risquent de payer le prix fort d’une industrialisation forcenée, avec la perte de terres agricoles et des conditions de vie dégradées. L’agenda semble par ailleurs ignorer les réalités des régions, en prévoyant des projets qui sont plus profitables aux zones urbaines et aux secteurs déjà favorisés. La décentralisation proclamée n’est ici qu’une façade pour un agenda qui risque de creuser davantage le fossé entre les riches et les pauvres.
8. Un plan sans réelle participation citoyenne
Le processus d'élaboration du plan Sénégal 2050 a été marqué par un manque de transparence et de participation citoyenne. Les organisations de la société civile et les syndicats ont été largement écartés de la réflexion, ce qui soulève des questions légitimes sur la représentativité de ce projet et sa capacité à répondre aux besoins réels de la population.
Ma conclusion : L’Agenda de la Transformation mérite une profonde transformation.
Sous des allures de modernisation et de progrès, l’Agenda national de transformation "Sénégal 2050" semble davantage un outil de manipulation politique qu’un véritable plan de développement. En promettant un Sénégal souverain, juste et prospère, ce document fait miroiter des rêves de grandeur sans fondations solides. Entre des projets grandioses sans financement, des promesses de souveraineté basées sur la dépendance internationale, et une centralisation qui pourrait étouffer toute opposition, cet agenda est peut-être le plus grand mirage politique de notre époque.
En définitive, cet Agenda laisse transparaître une volonté d’enrichir une minorité privilégiée et de renforcer le contrôle d’un pouvoir de plus en plus centralisé, tout en négligeant les vrais besoins du peuple. À moins de revoir complètement cette vision pour la rendre plus inclusive, transparente et réaliste, il y a de fortes chances que l’Agenda national de transformation ne soit rien de plus qu’un échafaudage d’illusions.
Abdourahmane Wone, Secrétaire Général du Parti Populaire Sénégal - PPS, membre de la coalition Dundu.